L’adoration de dieux et déesses, héros légendaires et personnages mythiques est basée sur le concept de la transe provoquée par un certain type de danses et…

La lumière est ce point géométrique où se rencontre l’humain qui voit et le divin qui se rend vu.

Jean Biès

Article mis à jour et modifié en juin 2021

Introduction

Le rituel du Theyyam, autrement appelé Kaliyattam ne se déroule que sur la côte Malabar, dans le district de Kannur ou celui de Kasarakod, au nord du Kérala  (État souvent nommé « God’s own land » = le pays de Dieu).

Les Theyyams se déroulent la plupart du temps dans l’enceinte d’un petit sanctuaire ou dans un espace arboré sacré faisant partie de celui-ci, dénommé kaavu, ou dans la cour d’une maison ancestrale, plus rarement dans un espace ouvert doté d’un sanctuaire temporaire appelé pathi.

Le rituel du theyyam

Ce rituel constitue la représentation la plus spectaculaire de l’art Malabar. Theyyam a son origine étymologique dans Daivam, c’est à dire Dieu en langue vernaculaire.

Les theyyams sont célébrés entre le dixième mois de l’année, Thulam, correspondant en Malayalam (la langue du Kérala) à la période mi-octobre/mi-novembre, et le milieu de Idavam (mi-mai/mi-juin). Il s’agit donc de la période entre la fin de la récolte et la préparation de celle de l’année suivante. C’est un temps de prière pour une bonne récolte, la prospérité et la solidité sociale en général.

Seuls les membres de communautés particulières sont habilités à les célébrer.

Je développerai cela un peu plus loin.

On peut dire que le rituel du theyyam constitue la représentation la plus spectaculaire de l’art Malabar. Il est associé à des mythes et légendes mais il s’agit aussi d’une forme de culte par lesquels les dieux sont honorés. L’adoration de dieux et déesses, héros légendaires et personnages mythiques est basée sur le concept de la transe provoquée par un certain type de danses et le martèlement des tambours, sans l’absorption préalable d’aucune substance. Il s’agit de commémorer leur souvenir, leur force, ou leur valeur morale. Tout d’abord se déroulent quelques rituels propitiatoires appropriés, dont les thottems. Ce sont des chants sacrés, lancinants, que psalmodie un récitant et qui précèdent les danses.

Le but des thottems comme des danses est de satisfaire les dieux.

Aspect religieux

La plupart des theyyams sont de nature shivaïste.

On y retrouve le plus souvent les dieux Shiva et Vishnou, la Déesse-Mère, Shakti, en tant que Bhagawathi, Chamundi et Kaali (c’est-à-dire les formes divines et unies de trois déesses principales à savoir Bhrahmani (Saraswathi), Vaishnavi (Lakshmi) et Shivani (Durga) et toutes leurs sortes d’incarnation.

On y trouve aussi des personnages d’épopées et de légendes mais également des esprits et fantômes, des serpents, des oiseaux et d’autres animaux, ou des esprits de la nature tels Yashas, ​​Gandharvas et Kinnaras, des martyrs, des héros, des ancêtres, des rebelles ostracisés, etc. Ils sont vénérés sous la forme de theyyams où ils survivent encore dans toute leur gloire, renforçant des liens communautaires et éliminant les différences sociales et religieuses.

Selon l’hindouisme, toutes les activités de création-préservation-destruction de l’Univers sont contrôlées par la Trimurti, les trois dieux Brahma, Shiva, et Vishnou.

Pour faire respecter la justice, ces dieux apparaissent sous de nombreuses formes et incarnations.

Ils ont subi de nombreuses modifications au fil du temps, entraînant une évolution dans la culture malayalee (les habitants du Kérala).

Il est très difficile d’identifier la période exacte de l’origine du Theyyam. Cependant personne ne peut réfuter qu’elle est très archaïque.

Le déroulement du rituel

J’utiliserai indifféremment, les termes d’« artiste(s) », « interprète(s) » ou, comme les Indiens eux-même, ceux de « performance » et de « performer(s) » pour désigner respectivement le rituel proprement dit ou celui (ou ceux) qui l’interprète(nt). Car les termes « interprète » « artiste » ou « représentation » m’évoquent trop un spectacle alors qu’il ne s’agit absolument pas d’un spectacle, mais d’une cérémonie religieuse très particulière. Le dieu ou la déesse appartenant à un temple se manifeste temporellement dans le corps du « performer » l’homme qui va effectuer le rituel. La « performance » l’élève ainsi à un statut divin. Il est convenu de considérer alors l’homme non comme un être humain, mais comme une incarnation du dieu qui l’habite.

Dans chaque « chapelle » d’un kaavu dédiée à un dieu ou une déesse se trouve une lampe à ghee ou à huile, allumée, qui représente la divinité. L’anthithiriyan (allumeur de lampe et gardien du kaavu) invoque le dieu puis le tire de sa place et le transfère au kolakkaran (le performer) en plaçant la lampe et la mèche et une kodiyila (feuille de bétel) contenant du kuri (un mélange de curcuma et de riz) et de la noix d’arec, dans la aniyara (la feuille verte de l’artiste). De sorte que le dieu entre dans l’esprit et le corps de l’interprète tandis que sont chantés les thottems.

Les divinités sont adorées et à apaisées afin d’en obtenir une bénédiction en vue de la fécondité, de la protection, et de la sécurité. Il existe des divinités puissantes qui conjurent les maladies comme la variole et d’autres maladies contagieuses. Certains rituels apportent également des secours d’ordre judiciaire, parmi lesquels les principaux différends et conflits de castes, de famille, de propriété, ou de voisinage. Ces derniers sont souvent réglés par le représentant spécifique d’une divinité particulière au cours de sa performance. Les dévots présentent leurs problèmes personnels et leurs ennuis à la divinité qui leur donne conseils et bénédictions.

Très souvent les theyyams sont associés à la fête du temple dans l’enceinte duquel ils se déroulent.

La veille, des femmes et des hommes viennent en procession apporter des offrandes concrétisées par toutes sortes de denrées offertes aux dieux : fruits, légumes, riz, fleurs… Produits qui sont utilisés ensuite pour préparer un ou plusieurs repas – lunch ou dinner – qui seront offerts à la foule venue nombreuse pour manger gratuitement. Ces repas sont confectionnés sur des feux de bois dans de gargantuesques marmites installées dans une partie annexe du temple.

Ces cérémonies durent très longtemps, commençant souvent aux alentours de 18h ou 19h et se poursuivant jusqu’au lendemain vers 5h ou 6h du matin, voire davantage. Un autre cycle diurne peut se situer entre 5h ou 6h du matin jusqu’en fin d’après-midi. L’on peut y assister partiellement ou en totalité, mais aussi par séquences diurnes ou nocturnes.

Mais on ne peut jamais être sûr des horaires car le rituel ne commence que lorsque le performer se sent prêt à entrer en transe.

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