Lors de Mahashivaratri à Madikeri dans le Coorg, l’universalité des religions m’a frappé. Car après les rites, et après que les prêtres eurent préparé l’un un grand plateau de fleurs, l’autre une mixture dans une grande marmite…

Le principal pilier de la religion, c’est la crainte. Supprimez la peur des calamités et il ne restera plus trace des pèlerinages, des prières, des bains rituels, des méditations, des jeûnes, etc. On verra les mosquées vides et les temples déserts.

(Munshi Premchand, écrivain indien, 1880-1936)

Lettre

Mahashivaratri, la fête de Shiva

Article mis à jour et modifié en juin 2021

Maha Shivaratri, la fête de Shiva, est une des plus grandes fêtes hindoues. Elle est très commémorée à travers toute l’Inde, la quatrième nuit de la nouvelle lune pendant le mois de Magh ou de Phagun, selon le calendrier hindou. C’est à dire entre février et mars. Contrairement à toutes les autres fêtes en l’honneur de Shiva, elle est célébrée nuitamment. Il est dit que cette nuit-là, les étoiles dans l’hémisphère nord sont alignées selon un axe propice à l’énergie spirituelle.
Pour certains, Maha Shivaratri commémore le jour où Shiva but un poison pour sauver le monde. Pour d’autres, selon une légende fortement ancrée dans la tradition shivaïste, ce serait la nuit pendant laquelle Shiva a exécuté la danse de la création, de la conservation, et de la destruction.
Mais selon une autre légende, et ce fut celle-là que l’on m’indiqua ce jour-là, ce serait la commémoration du mariage de Shiva et Parvathi. Elle marque aussi la convergence de Shiva avec Shakti.
En fait, les deux seraient la même déesse sous des noms différents, selon ses fonctions, comme cela est très souvent le cas dans la mythologie hindoue.
Cette fête marque la victoire sur l’ombre et l’ignorance dans la vie et dans le monde.

La fête est caractérisée par l’offrande de feuilles de Bael

Elle est précédée d’une journée de jeûne, suivie de toute une nuit de veille de 18h à 6h du matin, en effectuant une puja (un rituel) toutes les trois heures.

A 18h, du lait est versé sur le lingam, à 21h du lait caillé, à minuit du ghee (beurre clarifié), et enfin à 3h du matin, du miel.

Chacune de ces ablutions est suivie d’une offrande de feuilles de Bael.

Ces rites sont accompagnés de récitations védiques dont le célèbre Om Namah Shivaya.

Les personnes les plus croyantes méditent sur les vertus telles que la retenue, l’honnêteté, le pardon. La plupart se rendent dans un temple dédié à Shiva pour assister aux prières.

Les femmes sont particulièrement attachées à la célébration de cette fête. Celles qui sont mariées prient pour leur mari et leurs fils, celles qui ne le sont pas prient pour trouver le mari idéal (pareil à Shiva).

 

Un rituel surprenant

Les photos qui accompagnent ce texte ont été faites dans un petit village près de Madikeri (Karnataka).

 

Le minuscule temple où se déroulait la cérémonie se situait dans une cavité rocheuse (une ancienne caverne de tigre, m’a-t-on assuré), au sein d’une forêt, à plus d’une heure de marche.

Mal renseigné, car on pensait que ça ne m’intéresserait pas, je n’ai pas pu assister aux pujas de la nuit.

Mais aurais-je eu la patience et la ferveur des fidèles ?

 

Une fois de plus, l’universalité des religions m’a frappé. Car après les rites, et après que les prêtres eurent préparé l’un un grand plateau de fleurs, l’autre une mixture dans une grande marmite, ce dernier en absorba une grosse cuillerée, comme le prêtre catholique mange une grosse hostie, puis les fidèles se sont avancés à la queue-leu-leu, tendant une main ouverte pour recevoir une petite cuillerée de cette bouillie, ainsi qu’une fleur du plateau.

Comme la « communion » des chrétiens !

Je me suis avancé à mon tour pour recevoir la bouillie et la fleur.

Le festin servi sur une feuille de bananier

Comme souvent lors des fêtes pratiquant le jeûne, celui-ci est suivi d’une débauche de nourriture et particulièrement de sucreries offertes par le temple. Ces agapes sont préparées dans un grand chaudron alors que fidèles et brahmanes sont occupés au rituel.

Un jeune homme distribua des feuilles de bananier en guise d’assiettes à l’assemblée des fidèles, dont je faisais partie en la circonstance, et tout le monde se régala dans la bonne humeur et une touchante sollicitude à mon égard.

 

Mahashivaratri, en pleine zone tribale des Nilgiri hills

Il me souvient aujourd’hui, d’avoir participé à la fête de Mahashivaratri, sans en connaître sa portée ni sa signification, lors de mon tout premier voyage en Inde quand je ne savais rien ni de l’Inde, ni des Indiens, et encore moins de la mythologie hindoue.
Le propriétaire du Resort où je logeais, m’y avait conduit, très loin, en jeep, sur des routes défoncées où aucun autre véhicule n’aurait pu circuler sinon des charrettes tirées par des bœufs, à travers les montagnes des Nilgiri hills. Nous avons débarqué, de nuit, en pleine campagne, sans la moindre habitation aux alentours, dans une zone tribale non loin de la Silent Valley.
Mon guide s’était contenté de me parler d’une grande fête en l’honneur de Shiva.
Je n’en avais pas du tout perçu l’aspect religieux, mais plutôt le côté festif et bon enfant tout en me demandant pourquoi au milieu d’une fête foraine, se déroulaient aussi des rituels religieux. Mon hôte -catholique non pratiquant, un tantinet agnostique – n’avait pas jugé utile de me donner des explications. Et moi, nigaud, voyageur de la première heure, je n’en avais pas demandé.
Je m’étais davantage focalisé sur les stands et les manèges d’un autre temps. Je m’étais fort diverti, assis dans l’herbe parmi les Indiens venus très nombreux depuis tous les villages à la ronde, en assistant à un spectacle auquel je ne comprenais rien. Pour moi, le spectacle se déroulait plutôt parmi les spectateurs. Et j’étais amusé de constater que je n’étais pas le seul à me désintéresser de ce qui se passait sur la scène. Certains hommes, bien éméchés, se mirent même à danser et à chanter bruyamment sans que cela ne surprenne ni les spectateurs ni même les « acteurs » sur l’estrade.

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